
Aux portes d’Arles, le chef Armand Arnal reçoit dans son restaurant étoilé, où le jardin potager est à la fois terre nourricière et salle à manger.
Cette ancienne bergerie auréolée d’une étoile Michelin a rouvert ses portes le 4 juin, avec 30% de couverts en moins afin d’augmenter les distances entre les tables disposées en pleine nature et protégées le soir par une immense moustiquaire… « Je suis un Méditerranéen, affirme le chef Armand Arnal, natif de Montpellier. Quand je suis rentré de New York, en 2006, après avoir travaillé sept ans pour Alain Ducasse, en tant que chef de son restaurant l’Essex House, j’avais besoin de retrouver la Méditerranée. C’est alors que j’ai découvert ce lieu, dont je suis immédiatement tombé amoureux. Le jardin potager existait déjà, je n’ai fait que l’agrandir et l’adapter aux besoins de mon restaurant.»
Quatorze ans après, c’est l’un des plus grands jardins potagers de France: 2 hectares, cultivés en permaculture et abritant 160 variétés de végétaux. Quand on arrive là, à 17 kilomètres d’Arles, on a le sentiment d’entrer dans une autre dimension. Un peu comme Van Gogh découvrant ces paysages brûlés par le vent et le soleil. On sent quantité de parfums, celui de la mer, d’abord, située à 20 kilomètres, puis ceux du basilic, de la terre mouillée, des citronniers, des figuiers et des cerisiers. « J’aime la Camargue, ses sols craquelés aux couleurs rouges, ses plages, ses tamaris aux fleurs roses façonnés par le mistral qui bordent l’étang de Vaccarès; mais ce que j’aime par-dessus tout, c’est la lumière, tellement apaisante et pleine d’énergie! Il y avait la même à New York!»
Armand Arnal fabrique son pain chaque jour avec de la farine de riz de Camargue sans gluten
Ce qui était normal naguère, quand nos campagnes étaient encore vivantes et peuplées de paysans, est devenu rare et pré- cieux aujourd’hui: des grenouilles coassent dans les ruisseaux, des abeilles bourdonnent autour d’une cinquantaine de ruches installées là par le chef pour favoriser la pollinisation. Quatre jardiniers cultivent cet éden comme on le faisait autrefois, en mettant de la cendre de bois contre les limaces, de la purée d’ortie contre les pucerons, du basilic près des tomates pour les protéger des parasites, des poireaux au milieu des fraises.
Armand Arnal fabrique son pain chaque jour avec de la farine de riz de Camargue sans gluten. Il obtient ainsi une mie humide et tendre, très digeste. La lenteur des rythmes de la nature est pour lui un gage de saveur. C’est pourquoi il prend le temps d’attendre la pleine maturité des produits, laquelle se manifeste par de belles couleurs, transformant son jardin en palette de peintre. Pour lui, tout ce qui est naturel est bon, et il aime ce titre de Jean Giono, «Le chant du monde», comme si la nature nous murmurait quelque chose: mais sommes-nous capables de l’entendre? Qu’une plante sache ainsi fabriquer du sucre à partir de photons, d’oxygène, de carbone et d’eau (la photosynthèse), alors que nos laboratoires sont incapables de le faire, est quelque chose qui le fascine et le persuade qu’une intelligence est bien à l’œuvre au sein de la nature. En cela, il est l’archétype du cuisinier du XXIe siècle, investi d’une mission sacrée qui vise à célébrer la beauté du cosmos, dont nous sommes tous les enfants, issus de poussière d’étoile…
La Camargue s’exprime à travers tous ces plats comme les paysages d’Arles dans les toiles de Van Gogh
Chaque jour, il propose une cuisine de l’instant, à l’écoute de son jardin qui lui suggère des accords inédits: «J’ai compris que les plantes qui poussent les unes à côté des autres sont faites pour se marier dans notre assiette: la tomate jaune et le romarin, la pêche et la verveine, l’abricot et l’amande…» On reconnaît un plat d’Armand Arnal à sa vivacité tranchante: «J’aime jouer sur l’amertume et l’acidité que me donnent les herbes aromatiques. Mon velouté d’herbes sauvages est l’un de mes plats préférés, une entrée soyeuse imaginée pour titiller le palais dès le début du repas…» En plein mois de juillet, son plat fétiche est la tomate géante ananas servie tiède avec un sirop de tomate à la fleur d’ail: «L’idée est de retrouver la température du moment où on l’a cueillie…»
A l’inverse de ce qui est pratiqué habituellement, Armand utilise la chair animale comme un condiment, un accompagnement ou même un assaisonnement de ses plats à base de légumes… Toutefois met-il un point d’honneur à ne prendre que ce que la Camargue lui offre: sandres et écrevisses, canards élevés au milieu des rizières, et même, occasionnellement, un peu de viande de taureau, très rouge, délicate, peu grasse, qu’il sert crue avec un filet d’huile d’olive et de la fleur de sel. Au dessert, subjugués par l’émotion, nous retrouvons le goût oublié des cerises croquantes et juteuses de notre enfance… cerises de son verger, qu’il poêle sous nos yeux avant de les napper d’une crème de chèvrefeuille. Loin de tout esprit mercantile et touristique, la Camargue s’exprime à travers tous ces plats comme les paysages d’Arles dans les toiles de Van Gogh. «Aujourd’hui, je suis un homme heureux. J’ai bâti une famille, un réseau d’amitié avec mes producteurs. Les grands vignerons viennent manger chez moi. Et ma fierté est de cuisiner sans réfrigérateur... Une invention diabolique qui tue le goût des produits, il faut que les gens apprennent à s’en passer...»
Mas de la Chassagnette, chemin du Sambuc, Arles. Menus à 67 et 105 euros. Possibilité de prendre un panier pique-nique à 49 euros, pour déjeuner sur l’herbe dans le jardin. chassagnette.fr.
Toute reproduction interditeAugust 03, 2020 at 06:35PM
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La Chassagnette, déjeuner sur l'herbe en Camargue - Paris Match
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